L’art de confectionner et de porter un bijou s’impose dès la Préhistoire tant en Orient qu’en Occident. Coquillages marins, os et dents d’animaux sont récupérés et transformés afin de devenir des contours, des pendeloques voire des colliers. Ces bijoux, qui sont portés directement sur la peau ou cousus sur un vêtement, peuvent être gravés de motifs géométriques ou de figures animales représentées, le plus souvent, de profil et en mouvement.
En Mésopotamie, région située entre le Tigre et l’Euphrate, dans le sud de l’Irak, l’invention de l’écriture et le phénomène de proto-urbanisation, au IVe millénaire av. J.-C., entraînent, d’une part, le développement des échanges commerciaux et, d’autre part, l’accroissement notable des productions artistiques au service du religieux et du politique. Au troisième millénaire av. J.-C., l’art du bijou connaît un réel essor grâce à l’importation de matériaux exogènes tels que l’or, le lapis-lazuli, la cornaline ou la diorite. La nécropole royale d’Ur (sud de l’Irak), les palais syriens de Mari et d’Ebla ont ainsi livré de nombreux sceaux-cylindres, diadèmes, peignes ou colliers à rangs multiples destinés aux mortels comme aux divinités. Grâce à la technique de la glyptique, l’art de travailler la pierre, les bijoutiers mésopotamiens créent un répertoire iconographique complet rassemblant motifs floraux et végétaux, figures divines et bestiaire fantastique.
A la même époque et au cours du second millénaire av. J.-C., en Egypte et en Grèce minoenne (site de Cnossos), les orfèvres s’essaient à la granulation, au filigrane ou à la fonte à la cire perdue, techniques de fabrication inventées par les civilisations de l’Orient ancien. En Grèce continentale, les tombes et les ateliers de Mycènes, Thèbes ou Kakovatos ont livré des
colliers en or, ambre ou lapis-lazuli voire des sceaux en jaspe rouge, améthyste et cornaline.
Depuis l’Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.), les bijoutiers égyptiens combinent l’argent et l’or jaune aux gemmes que sont le lapis-lazuli, la cornaline ou la turquoise. Au Nouvel Empire (1550-1069 av. J.-C.), ils font preuve d’ingéniosité en employant, par exemple, la faïence et le verre pour imiter les pierres de couleur. Parure officielle (couronne, sceptre), amulette (croix ankh, pilier djed…) ou bien ornement du quotidien (bague, collier, bracelet), le bijou est très souvent offert aux pharaons tel Sésostris Ier comme aux dieux que sont Horus et Osiris.
Le savoir-faire des civilisations méditerranéennes continue à se diffuser au premier millénaire av. J.-C. Au VIIe s. et au VIe s. av. J.-C., les Rhodiens de Camiros, les Etrusques de Cerveteri soignent, à leur tour, les techniques si minutieuses que sont la granulation et le filigrane. Ils développent respectivement l’art du pectoral et de la boucle d’oreille à barillet en or et en émail. Côté image, les figures du griffon ou du lion, du scarabée comme de la fleur se multiplient grâce à l’utilisation, certes, de l’or mais aussi de la cornaline, de l’ambre et de la fritte.
A l’époque hellénistique (IVe s.-I er s. av. J.-C.), de Pella à Alexandrie, d’Athènes aux bords de la Mer Noire, l’or demeure la matière la plus convoitée. Les Scythes comme les Grecs l’utilisent pour réaliser des éléments de ceinture ou de bouclier, des diadèmes ou des bracelets serpentiformes. Mais, à la fin de cette période, c’est l’art du portrait officiel et du camée qui s’impose. Cette tendance, qui a été reprise sous le règne de l’empereur romain Auguste (Ier s. av. J.-C.- Ier s. ap. J.-C.), a certainement influencé la création du bijou monétaire en or du IIIe s. ap. J.-C., à Rome et dans les différentes provinces romaines.
La chute de l’Empire romain d’occident, en 476, entraîne une rupture toute relative dans l’histoire du bijou. Pour le Haut-Moyen Age, les Mérovingiens, par exemple, réinventent et adaptent les modèles et les techniques antiques. En effet, ils créent de nouveaux bijoux comme les fibules circulaires ou digitées et s’appliquent à travailler l’or, la pâte de verre et le grenat pour les ceintures ou les boucles d’oreilles. Côté technique, ils conservent la granulation et développent la technique du cloisonné en ajoutant dans les alvéoles des montures des paillons d’argent. La société médiévale est indissociable de l’Eglise d’où l’importance du bijou religieux comme l’encolpion ou l’anneau épiscopal. A l’époque gothique (XIIe s.-XVe s.), le fermail, sorte de broche, se caractérise par des formes trilobées ou quadrilobées qui font, de manière évidente, référence à l’art des cathédrales et du vitrail. Tout au long de l’époque médiévale, la couleur est au rendez-vous grâce au réemploi d’intailles et camées antiques montés en bague voire sur des couronnes. En France, les ateliers de Limoges et de Paris développent aussi l’usage de l’émail peint ou champlevé pour offrir de la couleur aux bijoux.
A la Renaissance (XV-XVIe siècle), les bijoux ornent les couvre-chefs des messieurs et les robes des dames. En Europe occidentale, la perle, l’or voire l’émail sont ainsi employés pour la fabrication de l’enseigne, du commesso ou du pent-à-col. Le bijou devient un enjeu politique et surtout un objet de collection. En France, par exemple, François Ier instaure, en 1530, les Joyaux de la Couronne qui servent les besoins militaires et diplomatiques de l’Etat.
Pour le XVIIe siècle et le XVIIIe siècle, c’est le diamant qui s’impose. Issu des mines indiennes de Golconde, il apparaît sur de nombreux regalia des rois de France (Louis XIV, Louis XV), les bijoux d’ordre ou les boîtes à portrait. En France, le Cardinal Mazarin ou Philippe d’Orléans vont jouer un rôle primordial dans l’acquisition de nombreux diamants comme le Grand Sancy ou le Régent.
Le Premier Empire (1804-1815), sous Napoléon Ier, se caractérise par le réemploi de camées ou scarabées antiques. A cette même époque, les joailliers parisiens NITOT ou MELLERIO servent le pouvoir et réalisent des parures, des bijoux acrostiches composés de diamants, de pierres de couleur ou de perles. Très innovant voire surprenant, le bijou de cheveux est de plus en plus apprécié dans les années 1830. On le retrouve dans la seconde moitié du siècle qui est sous le signe de l’éclectisme. Les bijoux les plus emblématiques sont la châtelaine ou le bijou de deuil souvent composé de motifs en forme de cœur ou de croix. A la fin du XIXe siècle, le bijou Art Nouveau s’impose progressivement et inaugure l’Histoire du bijou moderne. Henri VEVER, René LALIQUE créent alors des bijoux en or, verre ou opale et mettent à l’honneur la figure animale, réelle ou fantastique, la femme et le végétal.
Céline Gaslain-Leduc pour La Bijouthèque
Docteure en Histoire de l’art
Spécialiste du bijou antique